Axe 3 - Politiques et gouvernance

Après une phase de 2015 à 2020, qui a permis aux chercheurs de cet axe de procéder à un inventaire précis des formes contemporaines de diagnostic territorial (rapport remis au CGET en 2016), après avoir analysé les formes de coopération et de résistance des acteurs de la société civile à la contribution de la « fabrique citoyenne des territoires », la phase qui s’ouvre s’intéressera aux logiques de renouvellement en cours des politiques publiques les plus innovantes sous trois angles :

  • L’enchevêtrement du temps et de l’espace dans une société de la mobilité ;
  • L’enjeu des réseaux de coopération territoriale au sein d’organisations ayant pris la mesure des acquis et des limites des différentes phases de la décentralisation à la française ;
  • La compréhension fine de la place des petites villes au sein des relations rural-urbain, d’un point de vue fonctionnel comme sur le plan des représentations (place du rapport à la nature, formes de socialisation, externalités des coûts…).

Axe 3.1 Temps et Espace

La fragmentation des temps de travail, la porosité entre temps de travail et temps personnel, les incidences de l’étalement résidentiel en matière de mobilités domicile/activités, mais aussi, sur un autre plan, l’allongement des temps de vie, la répartition des rôles sociaux entre les femmes et les hommes, rend centrale la question de l’articulation des temps sociaux et leurs rapports à l’espace pour mieux comprendre le fonctionnement des sociétés modernes.

Les rapports à l’espace, la territorialité des activités humaines, discriminent les personnes vivant sous des régimes de temps contraints ou de temps choisis. De ce fait, les analyses spatio-temporelles sont particulièrement bien adaptées à l’examen des relations rurales-urbaines multi-scalaires.

La prise en compte de la « géographie du temps » entraîne une modification, voire même une rupture méthodologique, dans l’appréhension et la conduite des politiques publiques d’aménagement et les organisations territoriales, au moins de 5 manières :

-en imaginant de nouvelles modalités d’étalement des flux et des usages, ce qui suppose une action concertée avec les « générateurs de temps » (aux flux massifs comme ceux induits par les activités éducatives, hospitalières, des grandes entreprises et administrations) ;

-en interrogeant l’efficacité des configurations spatiales comme la polycentralité, censée mieux assurer l’accessibilité à un ensemble de ressources de proximité ;

-en questionnant l’occupation des espaces publics, appropriés en continu par de multiples catégories sociales (ce qui n’était pas le cas à l’époque du « temps fordiste ») ;

-en interrogeant la pertinence de bâtiments dédiés à un seul usage et l’évolution de leurs éventuelles polyvalences de fonctionnement ;

-en analysant le contenu même des projets territoriaux (ruraux comme urbains), en général longs à réaliser, et qui, pour contribuer à un meilleur équilibre de l’habitat au sein des territoires considérés, devraient introduire régulièrement, au cours de son avancement, des temps de concertation avec les multiples acteurs de l’aménagement, pour mieux ajuster ces projets avec l’évolution de la demande sociale.

Axe 3.2 Organisations et développement

A ruralités, Organisations Territoriales et Développement Local constituent les champs prioritaires de l’analyse du principe de Gouvernance à travers laquelle trois notions fondamentales sont convoquées. Il s’agit des notions de Mobilisation, Participation et Engagement, structurant l’ensemble des dynamiques sociales et sociétales en débouchant sur des éclairages précieux sur le continuum Rural-Urbain. La compréhension de ce dernier exige que soit mis en avant les fractionnements spatio-temporels de l’ensemble des investissements matériels et immatériels mobilisés dans la production de nos différents espaces de vie, tant au quotidien (présent), vécus (passé) que rêvés (futur). Par conséquent, la notion de Mobilisation propose une grille complexe de dimensions pouvant être d’ordre économique tant en termes de ressources naturelles, financières et marchandes, que de ressources humaines (fondant la valeur travail). Elles peuvent aussi être d’ordre politique, voire stratégique, impliquant des organisations de conquête de pouvoir (jeu politique), de défenses de légalité (forces armées régulières) ou de légitimité (groupes non-institutionnels constitués). Les notions sous-jacentes de disponibilité et accessibilité questionnent les divers modes de mobilisations mis en œuvre, qu’ils soient politiques, économiques, stratégiques, humanitaires ou technologiques.

On est par conséquent porté à questionner la pertinence de cette mobilisation dont l’une des clés fondamentales de mesure s’avère être le degré de Participation des différents acteurs susceptibles d’y concourir, ou tout du moins d’en être impactés. On peut ainsi lire en filigrane des notions structurantes pour toute participation efficace et efficiente telle que capabilité, résilience, empowerment, concertation, co-construction. Volonté et énergie sont ainsi des éléments octroyant un sens à toute participation dont la phase optimale sous-tend, voire promeut le principe d’Engagement pouvant être contractuel (marchand), délibéré (associatif) ou militant (politique, activiste). Cet Engagement peut tout aussi être de proximité ou lointain.

La montée en puissance de ces trois notions (Mobilisation-Participation-Engagement) mises en articulation, permet d’esquisser quelques réponses aux grands défis actuels chevillés à la dualité Rural-Urbain, et placée sous tensions multiformes entre le local au global par le biais de l’hypermobilité ambiante et à venir. L’articulation efficiente de ces trois notions permettrait dans une certaine mesure de proposer des pistes de réflexion sur les mécanismes disruptifs qu’ils soient économiques, politiques, sociaux ou environnementaux, voire technologiques et stratégiques. L’expression multiforme de la Citoyenneté classique ou transnationale en est un des angles d’approche susceptibles de donner à reconsidérer le principe dominant de « Développement », dont la prise en compte de la dimension « locale » dans les priorités croisées, voire conflictuelles, des divers acteurs reste centrale dans nos travaux à Ruralités.

Les rapides et parfois violentes mutations socio-spatiales affectant nombre de localités différemment placées, voire aspirées dans cette hypermobilité globale nécessitent de passer aux cribles de ce triptyque Mobilisation-Participation-Engagement, des bouts d’espaces en crises, afin d’en comprendre les divers mécanismes perturbateurs dont on sait pertinemment de nos jours, le difficile et presqu’impossible « confinement spatial ». Il y va de la durabilité de la société humaine dans son ensemble, ainsi que de l’impératif de la solidarité multiforme (ODD17) et multiscalaire (locale, nationale, régionale, globale) dont la géographie tente d’en révéler les continuités et ruptures dans les diverses dynamiques territoriales.

Axe 3.3 Innovations et dynamique

La notion d’innovation a connu une évolution ces dernières années au regard des changements et besoins de la société. Initialement centrée sur la technologie (innovation produits et procédés), elle a évolué pour prendre en compte l’innovation non technologique, tout d’abord en intégrant les innovations organisationnelles et marketing et en rendant compte à côté des innovations de marché, des innovations d’entreprise. Elle évolue ensuite pour intégrer sa contribution à une économie plus verte et durable ainsi qu’au bien-être de la population via le concept d’« eco-innovation ». C’est une acception encore plus large qui est considérée à RURALITES, l’innovation étant considérée comme « l’art d’intégrer le meilleur état des connaissances à un moment donné dans un produit ou un service, et ce afin de répondre à un besoin exprimé par les citoyens ou la société́ ». C’est ainsi que l’on y intègre d’autres formes nouvelles d’innovation, éclairantes pour l’étude des relations entre Urbain et Rural, telles que les innovations sociales et territoriales. Ces dernières innovations peuvent ne pas avoir d’objectif uniquement concurrentiel mais répondre également à des problématiques environnementales, sociales ou sociétales : mutations économiques, organisation système de santé, développement durable de territoires spécifiques, conditions de travail, accessibilité́ territoriale, qualité́ de vie, etc.

Nous proposons ici de discuter ces problématiques d’innovation et sa dynamique collective territorialisées, préférentiellement sous trois angles à l’intersection des questions urbaines et rurales:

-La recherche et développement (R&D) sociale : quelle organisation (collectives et mutualisées) ? quelles particularités ? comment parvenir à une dynamique collective ? quel rapprochement des intérêts communs ? quels outils et dispositifs ? quel accompagnement ? pour quelles ruptures ?

-Les villes petites et moyennes : quelles inscriptions dans le réseau mondial territorialisé ? quelle place vis-à-vis des métropoles ? quelles problématiques spécifiques ?

-Les nouveaux lieux et villes créatives : quels lieux et quelles perceptions ? sur quels espaces ? pour quels objectifs ? et surtout quelles formes d’émergence et de développement ?

Au final, l’analyse de l’innovation et de sa dynamique collective territorialisée sous ses différents angles permet de mieux comprendre le fonctionnement des territoires ainsi que leurs rythmes à de multiples échelles géographiques. Elle interroge aussi le politique et apparait ainsi comme un élément transversal aux axes 1 et 2 du laboratoire. Ce sous-axe apparait également indubitablement lié aux différents problématiques de l’axe 3 : l’innovation permet de mener une réflexion sur les solutions à apporter aux problématiques actuelles de fragmentation des temps de travail, porosité entre temps de travail et temps personnel, etc. (3.1). La question de l’innovation est également inhérente et participe à au développement local (3.2). En effet, élargir le champ et la portée de l’innovation permet de reconnecter les rythmes et faire de l’innovation un levier de développement territorial sans doute plus général et durable.